La rentrée des internes
Quand j'étais en D2 en stage aux urgences et que j'ai assisté à ma première rentrée des internes, ça ne m'avait fait ni chaud ni froid. On aurait dit un groupes de touristes étrangers dans le Louvre suivant le guide et regardant d'un air un peu hagard les box et les multiples couloirs du pôle urgences. Ils ont eu l'air de vite s'adapter au lieu, ils n'ont pas trop le choix de toute façon, ce sont eux qui font tourner les urgences bien que "ils ne sont pas censés être indispensables au fonctionnement de l'hôpital".

Cette année, en D4, voir arriver les néo-internes a pris une saveur un peu plus épicée je dois dire. Les voir paumés comme ça me rappelle douloureusement que je serai à leur place l'année prochaine, et ça, ça fiche un peu les miquettes.
Je n'arrive pas à oublier la panique qui se lisait dans le regard de ce néo-interne, le gars a fait top 50 à l'ECN, et le voilà à trembler dans ses stan smith édition limitée.
Je me dis que ce doit être un sacré défi de devoir gérer les prescriptions, les staffs, les infirmières, les familles, les patients, les rapports de supériorité avec les chefs, les responsabilités... Je commence à saturer de l'externat, genre sérieusement, et j'ai hâte que ça se termine, mais en même temps j'appréhende le futur. Aurais-je une spécialité qui me plaît ? Vais-je devoir vivre loin de ma famille ? Pourrais-je m'imposer sans insolence au sein d'une équipe soignante qui a ses habitudes de travail ? Pourrais-je annoncer les mauvaises nouvelles aux familles, au patient ?
Toutes ces questions tournent dans ma tête, sans arrêt. Il faut que je me concentre pourtant. Quand on voudra parler au médecin, ce sera à moi de répondre, sans garde-fou la plupart du temps.
C'est cet espèce de saut dans le vide, dans l'inconnu, que l'on demande chaque année à 8000 externes, qui tels des lemmings en blouse blanche, se jettent dans ce trou béant sans savoir ce qui les attend au fond. Un fond imaginé, rêvé, fantasmé sur les bases de témoignages et de légendes murmurés dans les couloirs aseptisés. Mais on sait tous que la réalité diffère bien souvent de la fiction. En bien, comme en mal.
Et comme j'ai hâte de ce saut, mais j'en ai terriblement peur.
Bon courage pour cette première semaine de votre nouvelle vie, chers aînés ! 🧡