Mouche, Épilepsie et Parkinson

Petite synthèse en cours de stage de neuro. Je suis dans un service traitant l'épilepsie et les parkinson. (Ce qui n'explique que les 2/3 du titre, mais j'y reviendrais).
L'ambiance est vraiment cool, nos 3 internes sont toujours prêts à répondre à nos questions, et ils sont vraiment compétents. (Je vous aime Marie, Marie-Ange et Guillaume 💕)
En plus, on sert vraiment à quelque chose, on va voir les patients, on fait tout bien l'examen clinique, on remplit nos petites observ'... Par contre, le mythe des externes = machine à ECG, je vous confirme encore une fois que c'est vrai. Je rêve des dérivations précordiales et j'ai l'impression que des éléctrodes me poussent sous la peau.`
En plus, je deviens légèrement hypochondriaque. Au moindre fourmillement dans un membre, j'ai peur d'une crise d'épilepsie, au moindre flou visuel, même minime d'une seconde, j'ai peur d'une sclérose en plaques, au moindre tremblement, j'ai peur d'un Parkinson, au moindre oubli, j'ai peur d'un Alzheimer précoce et à chaque fois qu'un objet m'échappe des mains, j'ai la terrible sensation de développer une sérieuse ataxie cérébelleuse.
Bref, on a 2 fois par semaine une sorte de rituel païen appelé "La Visite" (oui avec un grand V), où le professeur, le grand chef du service nous fait l'honneur de sa présence (on se demande ce qu'il glande le reste du temps, mais bon ça c'est une autre histoire). Et alors, à cette occasion, le Chef de Service, le chef de clinique, l'interne, l'infirmière et la dizaine d'externes passent de chambre en chambre où l'on fait une mise au point pour faire connaître au patient l'évolution de son séjour et de ses traitements. Imaginez un peu le tableau, 13 personnes en blouse blanche qui entrent dans votre sinistre chambre d'hôpital, s'agglutinant autour de votre lit tels des anticorps autour d'un antigène.
Le regard du patient, affolé, passe nerveusement sur tous nos visages, s'attardant une demie-seconde sur chacun, tentant du mieux qu'il peut avec sa pathologie d'identifier le rôle de chacun. Il finit toujours par fixer la personne la plus âgée, le Chef du Service donc, et garde obstinément son regard sur lui, évitant à tout prix de croiser les yeux d'une n-ième personne lorsque l'interne fait la liste de toute sa vie d'un même ton monocorde, plaçant au même ton une hypertension et une récidive de cancer. En Neurologie, beaucoup de patients non psy se retrouvent avec des troubles du comportements et des pseudo-pathologies psychiatriques à cause de leurs diverses lésions. Une des visites les plus difficiles que j'ai eu à supporter, c'était en chambre 5 porte, une petite vieille avec un syndrome parkinsonien atypique. C'est-à-dire ne répondant pas correctement au traitement habituel. Elle a un trouble panique induit, son mari est décédé il n'y a pas longtemps, elle se sent seule.
Et elle a mal. Elle parle de ses douleurs, elle parle de son mari, sa voix se brise sous l'émotion. Elle veut le rejoindre, elle se met à pleurer.
Dans la chambre, le silence se fait.
Nous, les externes, on baisse la tête, regardant nos chaussures.
L'interne fixe obstinément son écran d'ordinateur.
L'infirmière lui soutient les épaules.
Le Chef regarde la femme. Sans dire un seul mot. Que peut-on dire ? Quels mots pourraient potentiellement apaiser une peine qui elle-même n'a pas de mots pour être décrite ?
Je sens mes yeux piquer devant sa peine, mais je ne perds pas de vue cette tâche sur le bout de mes converses. Je ne me suis jamais sentie aussi mal à l'aise.
Finalement, on lui dit qu'on fera ce qu'on peut, qu'on peut augmenter les somnifères pour mieux dormir. Réduire cette femme à un zombie, c'est presque tout ce qu'il nous reste à faire. Et c'est bien triste.
Hors Neuro : c'est juste une anecdote marrante des urgences.
C'est un type qui vient aux Urgences, parce qu'il a une mouche coincée dans l'oreille. Apparemment, elle serait rentrée puis il aurait essayé de la faire sortir avec de l'eau, sans succès visiblement puisqu'elle s'est noyée et qu'elle est restée coincée. Sa fille a essayé de la faire sortir avec une pince et une poire, mais à part faire saigner le conduit auditif, c'était pas bien concluant.
Mon interne a tenté aussi, mais en regardant dans l'otoscope, elle a renoncé. J'ai aussi jeté un oeil : effectivement, c'est mal barré, c'est une grosse mouche à m- noire, aussi grande que tout le tympan.
Je vous raconte pas la tête de l'interne, qui essayait de se donner une contenance en appelant l'interne d'ORL de garde pour lui expliquer cette histoire de mouche.
Tout est bien qui finit bien, avec son matos d'ORL, elle a sorti l'intruse sans problème.
Ça fait du bien de rire, après avoir essuyé une suspicion de dissection aortique, une morsure de chien et des multiples fractures...