Sang, plâtre et larmes

23/10/2017

Faut que je vous raconte ma deuxième garde en fait !

C'était la semaine dernière, je traînassais gentiment sur le groupe de partage de garde à la recherche d'un petit truc gentillet pour me faire 50 balles tranquille. Rien de bien accessible aux D2 en fait, mais en passant, je vois une D4 en pure détresse en train de chercher à se débarrasser d'une garde à cause d'un concours blanc. Elle a commenté tous les posts possibles, tentant par tous les moyens de s'en défaire. J'ai écrit un premier message : « Salut j'ai vu que tu galérais à donner ta garde de... DE ? C'était une garde de pédia. Alorsouimaisnonenfait. Les D2 n'ont théoriquement pas le droit de faire des gardes en pédia ou gynéco, qui sont les plus en vogue sur le marché des gardes, surtout samedi/dimanche. J'efface donc mon message, tant pis.
Le jeudi avant le samedi de sa garde, elle n'avait toujours pas réussi à la donner. Rongée par la culpabilité, j'ai réécris mon message, en insistant sur le fait que j'étais une D2, qui a fait que de l'ortho et qui n'y connais rien de rien à la pédia, en espérant presque me faire téj' pour ne pas transgresser l'implicite interdit.
À mon grand désespoir, elle m'a dit que je pourrais m'en sortir, puisqu'un D3 en début de stage de pédia est au même niveau de connaissances que moi dans le domaine.
Elle m'a donc emmenée dans les urgences pédiatriques la veille pour me faire le topo, et je dois dire qu'elle a été vraiment topissime. Elsa si tu lis ça un jour, big up !
Tout le parcours a été débriefé, avec les astuces et les codes tranquille. Elle m'a dit d'arriver en avance pour pouvoir choisir le côté planqué, parce que pour une première garde, c'est mieux de pas trop se mettre en avant quand même. Je suis donc arrivée presque 1h en avance le samedi midi pour inscrire fièrement mon nom et mon numéro sur le tableau blanc en dessous de : « Externe de chirurgie ». Ça pétait grave, je me sentais plus.
Elle m'a conseillé de me faire passer pour une D3 qui en avait marre de la médecine gé et je comptais le faire. Mais dès que le regard de mes coexternes s'est posé sur moi, avec mes grosses joues roses et mon regard trop innocent, j'ai senti que j'allais pas faire long feu devant eux. J'ai donc craché le morceau, les yeux fuyants, et très très vite « oui-je-suis-en-D2-en-fait-mais-c'est-juste-pour-aider-quelqu'un-et-puis-j'ai-potassé-la-chir-pédia-s'il-vous-plaît-le-dites-pas-aux-chefs ». En plus c'est vrai. Le vendredi soir et samedi matin j'ai appris vite fait les fractures que l'on peut voir en pédia donc je savais de quoi on parlait.
Fort heureusement, ma première chef ne m'a même pas demandé en quelle année j'étais, elle m'a juste tout bien expliqué et laissé faire des tas de trucs, c'était vraiment ouf.

Le seul point négatif (mais en est-ce vraiment un ?), c'est que 90% des cas que j'ai vu, c'était des petits traumatismes tout pourris, surtout pour les néo-géniteurs, qui se découvrent dans le rôle si délicat de parent. Des entorses, des entorses, des entorses et oh ! des entorses. C'est pas hyper passionnant, mais c'est tranquille et ça m'a évité de me retrouver avec des cas compliqués. De temps en temps, il y a une fracture en motte de beurre, parce que oui, les os chez les enfants, ben ça casse pas tellement. Ça se tord, ça s'enroule, ça se compresse, ça s'aplatit mais ça casse pas. Bon, c'est pas Mr. Indestructible mais c'est assez solide.

Dans les cas dignes d'être narrés, j'ai commencé avec un petit de 3 ans qui s'était assis sans le faire exprès sur un poêle bien chaud, bien brûlant. Les pompiers lui ont mis du Brûl'stop (on dirait le nom des médicaments que l'on donne à l'hôpital des Nounours) (je vous raconterai un jour), et il arrivait à s'asseoir sur ses petites fesses de bébé sans trop de problèmes. Par contre, quand on a du enlever le pansement provisoire, ce fût une autre paire de manches vous pouvez me croire. Et vas-y que ça hurle, que ça pleure, que ça gémit, que ça bave, et j'en passe. La chef lui a fait gentiment respirer du proto, ça l'a calmé instantanément (du Meopa pour les intimes). Ça c'est sûr, ça lui a plu de planer ! On lui a tranquillement arraché les peaux mortes sans une seule larme. Le débit de proto était réglé pour sa morphologie, mais il inspirait plus vite que le volume attribué mais il se tapait des barres donc ça avait l'air d'aller.

J'ai eu ensuite un petit absolument adorable qui s'était cassé la figure en tombant du canapé et qui boitait depuis mardi. Son père avec sa nouvelle compagne éructait que son ex-femme n'avait pas le temps de l'emmener et que donc lui, comme un vrai père, allait s'occuper de son fils. Ça m'a profondément attristée de voir que certaines femmes puissent ainsi délaisser leur enfant. Était-ce la vérité ou une simple vengeance de la part de cet homme ? Je ne sais pas, et je ne veux pas le savoir. Je plains juste cet enfant, qui, comme des centaines de milliers d'autres, se fera trimballer d'une maison à une autre. Et s'il n'a vraiment pas de chance, peut-être fait-il partie de ces enfants qui voient défiler les hommes de sa mère et les femmes de son père, avec des demi-frères et soeurs changeants au gré des amours parentaux trop égoïstes ou irresponsables pour ne penser qu'à leur vie sentimentale et non au bien-être de leurs enfants.

J'ai ensuite eu une petite fille qui avait une boucle d'oreille coincée dans son lobe et qui refusait catégoriquement qu'on la lui enlève. On a parlementé 45 minutes avant de pouvoir lui faire la piqûre d'anesthésiant. La pauvre a été traumatisée par un vaccin qui s'est mal passé et avait une peur panique de tout ce qui pique. Mais quand je dis peur, c'est la VRAIE PEUR. Avec tous les symptômes comme il faut : mains moites, dents qui claquent, genoux qui s'entrechoquent, mydriase... On a plié ça en 5 minutes à la fin.

Le pire, c'est ce petit qui est arrivé avec une coupure. Une ****** de ****** à ***** de coupure. Il a occupé une place et un peu de mon temps pour une coupure. Je n'ai pas été très fair-play, parce que je l'ai laissé poireauter une heure pour bien qu'il comprenne de pas refaire ce coup-là. Il y a des gens avec de vrais problèmes, je ne trouve pas ça très civique de venir pour qu'on te fasse un pansement. Tout le monde a du Dakin et du sparadrap chez lui, non ?

Là ça tient en une phrase : j'ai fait deux points de suture au bras d'un gamin qui sortait d'une bagarre avec des ciseaux. J'ai pas vraiment besoin d'en dire plus, je crois.

Sinon je me suis couchée à 2h45, après avoir avalé ma bouffe d'hôpital, qui n'est pas si mal quand t'as faim en fait. Je me suis levée à 8h à contrecoeur, je voulais me prendre un café mais le hall de la fac était fermé, et oui, c'est dimanche..

Ça fait bizarre, la fac vide de tout.

Vide d'étudiants, de chaleur, de vie.

Presque Docteur - Kinesine
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